Le jardinier du dimanche est-il un pollueur ?
Le jardinier amateur est souvent pointé du doigt comme étant un utilisateur irraisonné de pesticides. Mais nos potagers sont-ils la source d’une pollution significative de nos cours d’eau et de nos nappes phréatiques ? Et tout d’abord, qu’entendons-nous par «pollution» ?
Date de publication : 22/01/15
La problématique des pesticides
En France, hormis 4 substances, chaque pesticide trouvé dans l’eau potable ne doit pas dépasser 0,1 µg/l, la concentration totale des pesticides quantifiés devant être inférieure à 0,5 µg/l (soit l’équivalent d’une goutte dans une piscine olympique)1. En 2006, 95 % des Français ont bénéficié d’une eau dont la qualité respectait en permanence les limites de qualité fixées par la réglementation, alors qu’ils étaient 93,8 % en 2005, 93,2 % en 2004 et 91 % en 2003. Les principales substances responsables du déclassement de l’eau en eau non potable sont le glyphosate et ses produits de dégradation (comme par exemple l’acide aminométhylphosphonique), l’isoproturon, le diuron et le métolachlore. Le Diruon et le rac-metolachlor ne sont plus homologués en France2. Le jardinier amateur est souvent pointé du doigt comme étant un utilisateur irraisonné des pesticides. Ce discours provient notamment des fabricants, des distributeurs, mais aussi des différents professionnels utilisant ces produits, qui ont souvent pour but de désigner l’usage des utilisateurs amateurs comme problématique, et non les produits incriminés. Alors qu’en est-il ?
Utilisation des pesticides en France
La France est le premier pays consommateur de pesticides en Europe et se place au 4ème rang mondial derrière les Etats-Unis, le Brésil et le Japon. Cette consommation élevée de pesticides s’explique facilement par le fait que l’hexagone est le premier producteur agricole européen, avec 29 400 000 hectares de terres agricoles en France métropolitaine en 2007. Ces surfaces agricoles sont réparties en 18 300 000 hectares de terres arables, 9 960 000 hectares de surfaces toujours en herbe, 867 000 hectares de vignes et 193 000 hectares de cultures fruitières.
Terres agricoles en France métropolitaine (3 % des terres agricoles françaises sont destinées à la culture de la vigne)
La vigne, qui occupe 3 % de la surface agricole utile de l’hexagone, englouti 20 % des pesticides utilisés en France. Les céréales, le colza et la vigne sont des cultures qui occupent moins de 40 % de la surface agricole mais qui utilisent près de 80 % des pesticides vendus en France. Dans un produit pesticide, on appelle matière active la ou les molécules qui ont un effet direct, tandis que les excipients ont un rôle de support (ils augmentent l’efficacité de la molécule active). On préfère alors comptabiliser les quantités de matière active, plutôt que les solutions commerciales de pesticides diluées dans de l’eau avec d’autres produits. Ainsi, entre 1950 et 2000, les quantités de matières actives épandues à l’hectare ont été divisées par plus de neuf alors que les DJA ont été multipliées par cinq2. Les quantités de matières actives épandues sont en baisse constante dans l’hexagone ces dernières années, passant de 78 600 tonnes en 2008 à 62 700 tonnes en 20122,3.
Les céréales (dont le maïs), le colza et les vignes occupent 20 % des terres agricoles (cercle externe) et consomment 80 % des pesticides (cercle interne)
Utilisation de pesticide suivant les cultures
L’estimation de la part de pesticides imputable au secteur de l’agriculture varie, suivant les sources et les années, entre 90 et 95 %4. Les utilisations non agricoles de pesticides sont attribuées aux jardiniers amateurs (pour environ les 2/3 de la part restante) et aux collectivités territoriales (pour 1/3) qui entretiennent réseaux ferrés, parcs, jardins publics, voiries et cimetières. En 2008, environ 3500 tonnes de pesticides étaient ainsi utilisées par 17 millions de jardiniers sur leur million d’hectares de jardins3,4. Il est important de noter que les quantités de pesticides utilisées dans les différents secteurs sont difficiles à obtenir, mais que les ordres de grandeurs sont constants. Parmi ces substances actives, ce sont les herbicides, comme le glyphosate3 (principe actif du Roundup®) qui ont la cote chez les jardiniers amateurs.
Utilisation de pesticides suivant les secteurs d’activité : près de 90 % des pesticides en France sont utilisés par le secteur agricole
Utilisation des pesticides par les jardiniers, les services et les agriculteurs
Les jardiniers amateurs utilisent environ 3,5 kg de matière active par hectare de jardin. Ce chiffre est supérieur de 50 % à celui de la moyenne d’épandage en agriculture (2,4 kg/ha), en accord avec plusieurs sources et pour des années différentes5,6. Bien entendu, les types de culture et de pratique agricole sont déterminants, et ces chiffres globaux sont une moyenne générale qui est de plus basée sur des ordres de grandeur.
Une étude de terrain3 a montré que les ¾ des jardiniers amateurs traitent leurs jardins avec des pesticides et des fertilisants, et que seulement 13 % appliqueraient ces produits de manière approximative ou volontairement excessive (davantage que le dosage indiqué sur les étiquettes). Ces mauvais usages auraient surtout un impact environnemental local, notamment en milieu urbain (pollution des eaux). Dans le cas de traitements urbains comme le désherbage de la voirie, on observe un fort lessivage des substances, ceci en raison du caractère imperméable des surfaces. Les matières actives n’ont alors pas le temps de se décomposer et se retrouvent en quantité élevée dans les eaux de surfaces7.
Devenir des pesticides
En plus de la quantité de produits appliquée, il est nécessaire de connaître leur devenir pour pouvoir prévenir d’éventuels dommages. Une étude réalisée dans la Marne (département français) a montré que l’usage non agricole de pesticides représentait 10 % des pesticides appliqués, mais que le devenir de ces pesticides était différent8. Il a été estimé que 0,4 % des matières actives utilisées en agriculture étaient finalement retrouvés dans le cours d’eau (la Marne), contre 35 % de celles appliquées par la voirie et 5,6 % pour les usages de particuliers. En termes de contribution dans la pollution totale, les activités agricoles contribuent à 50 % des quantités totales de matières actives retrouvées dans la Marne, l’urbanisme à 45 % et les particuliers à 5 %. En d’autres termes, une proportion minime des pesticide utilisée en agriculture se retrouve dans les cours d’eau, mais la grande quantité utilisée par le secteur en fait un contributeur important à la pollution du cours d’eau.
L’agriculture utilise 90 % des pesticides et, même si très peu des pesticides sont lessivés, cette activité contribue à hauteur d’environ 50 % aux pollutions des cours d’eau. Les services et voiries contribuent à une autre moitié de cette pollution car, même si la quantité de pesticides utilisée est moins élevée, une part très importante est lessivée.
Si cet exemple est un cas particulier, il a le mérite de montrer que le devenir des pesticides utilisés est tout aussi important à considérer que la manière dont ils sont utilisés. Les agriculteurs bénéficient de prévisions météo précises et doivent répondre à des normes strictes telles que l’interdiction d’épandage de pesticides près des berges9. Ces normes évitent au mieux les lessivages des pesticides appliqués, mais ne concernent pas les particuliers ou les agents communaux, qui peuvent appliquer des matières actives sur les voiries imperméables. Ainsi, il apparaît utile d’encadrer ou de supprimer l’utilisation de tels produits pour certains secteurs les plus impliqués dans la contamination des eaux. Reste à déterminer les solutions les plus appropriées10, car si la potabilité de l’eau est globalement en amélioration en France, la quantité de points d’eau contaminés aux pesticides est en augmentation : « Des pesticides ont été décelés, en 2012, sur 89 % des points de mesure en métropole et sur 56 % des points des départements d’outre-mer (hors Guyane)»11,12. En d’autres termes, moins de points d’eau dépassent les limites de potabilité, mais le nombre de points d’eau contenant des traces de pesticides augmente. Ceci est d’autant plus inquiétant que les eaux souterraines semblent de plus en plus touchées.
Phosphoré par : Gontier Adrien, Adam Véronique, Jaeger Catherine
Mots clefs : pesticides, agriculture, pollution