Cannabis, vers une légalisation ?
Adulée comme plante miracle venue de la nuit de temps, moins dangereuse que l’alcool et pouvant guérir le cancer, ou au contraire poison latent pour la jeunesse et source de trafics et de cartels, le cannabis a la particularité de cliver l’opinion. La question est malheureusement souvent politisée1, laissant libre court à des inquiétudes plus ou moins fondées et rarement rationalisées. Cet article a pour but de faire un état des lieux de ce que l’on sait et de ce que l’on ne sait pas à propos du cannabis et de sa libéralisation. Quels sont donc les effets du cannabis sur la santé ? Une légalisation serait-elle bénéfique ou préjudiciable ? Illustration : chanvre dans les jardins du Mount Vernon (Résidence de Georges Washington)
Date de publication : 30/06/20
Consommation
Dans les pays occidentaux, le cannabis à usage récréatif est la drogue illégale la plus consommée. Les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande et une partie de l’Europe (Espagne, France, Italie)2 comptent près de 10 % de leurs adultes consommateurs. Ces consommateurs plus ou moins réguliers représentent en 2018 près de 195 millions de personnes dans le Monde, soit 4% de la population mondiale3, et comptent principalement de jeunes adultes4,5.
La plante, cannabis et chanvre6–8
La plante Cannabis sativa est une plante annuelle pouvant atteindre 3 mètres de haut et probablement originaire d’Asie (Chine et Inde) où on en trouve les premières traces. De la famille des Cannabaceae, tout comme le houblon, elle est citée dans l’ancien testament et par les religions bouddhiste et hindouiste pour des usages dans un cadre raisons religieux et spirituel, mais aussi pour des raisons médicales ou pratiques sous forme de fibres, de graines et de fleurs.
Fibres
Il y a 12 000 ans, les fibres de chanvre étaient utilisées à Taïwan afin de fabriquer des filets de pêche. Depuis le néolithique, que ce soit en Asie, en Europe ou en Amériques, les fibres de chanvre sont utilisées dans la confection d’habits, de cordes, de papier, de billets. Le chanvre fut ensuite cultivé en Angleterre, en France et même pendant la seconde guerre mondiale aux Etats-Unis. Durant cette période, le film de propagande Hemp for Victory promeut la culture du chanvre pour les cordages de bateau notamment. Le chanvre est une variété de cannabis riche en fibre et dont les teneurs en agents psychoactifs sont faibles.
Fleurs
Il y a déjà 5000 ans, les médecins chinois soignaient malaria, rhumatismes et fatigue avec la marijuana, la plante femelle dont la fleur contient les substances psychoactives. C’est justement cette propriété psychoactive qui était utilisée à des fins religieuses et spirituelles au Tibet où la plante est sacrée dans les textes religieux. L’utilisation de la partie psychoactive de la plante contre divers maux est référencée en Egypte, chez les grecs et les romains. Au XIXème siècle, médecins anglais et français étudient les effets anti-inflammatoires, laxatifs et psychoactifs de la plante. Dans de nombreuses cultures et ethnies le cannabis est encore utilisé aujourd’hui pour soigner divers maux, et plus couramment en occident dans un cadre récréatif.
Graines
La graine de chanvre est comestible9,10 et contient environ 30% d’huile, 25% de protéines, 25% de glucides et 10% de fibres. Les protéines sont de qualités, mais comme de nombreuses protéines issues de céréales ou de légumes secs, elles souffrent d’un déficit en lysine11. L’huile est composée d’environ 60% d’acide linoléique (omega 6), 20% d’acide alpha-linoléique (omega 3), 15% d’acide oléique (omega 9) et 5% d’acides saturés (palmitique et stéariques)12. L’huile de chanvre était prescrite au Pakistan contre le psoriasis.
Usage et histoire du cannabis
Composition de la fleur13,14
Le cannabis contient près de 480 composés qui lui sont propre, une soixantaine sont de la famille des cannabinoïdes. En voici quelques-uns, assortis de leurs propriétés :
- Cannabigerol (CBG) : anti-inflammatoire, antibiotique, antifongique, analgésique
- Cannabichromene (CBC) : anti-inflammatoire, antibiotique, antifongique, analgésique
- Cannabidiol (CBD) : anxiolytique, antipsychotique, analgésique, anti-inflammatoire, antioxydant, antispasmodique
- Cannabinaol (CBN) : anti-inflammatoire, antibiotique, sédatif
- Delta-9-tetrahydrocannabinol (THC) : euphorisant, analgésique, anti-inflammatoire, antiémétique
Les composés du cannabis : du THC au CBD et leurs applications
Le THC15–17
Les constituants actifs du cannabis ont commencé à être isolés dès 1847 grâce au travail de deux frères écossais. Le THC a été isolé dans les années 1940 par 3 différentes équipes de chercheurs avant qu’une équipe israélienne n’en découvre la structure en 1964. Le THC est principalement à l’origine des effets psychotiques du cannabis. L’usage récréatif du cannabis sous différentes dénominations et différentes formes était bien entendu connu avant ces découvertes, que ce soit sous forme de résine (issue des fleurs) ou directement via les fleurs (pot, ganja, marijuana, shit, herbe, beuh, hash, weed) en fumant (join, bédo, pot, bang) on en ingérant les principes actifs extraits (huile de cannabis). Le THC et d’autres cannabinoïdes issus de la plante ont la propriété de ressembler à des molécules produites naturellement par notre cerveau : les endocannabinoïdes (tels que les anandamides). Les endocannabinoïdes se lient à des récepteurs neuronaux appelés CB1, tels une clé qui s’emboîte parfaitement dans une serrure et la fait tourner. La particularité des endocannabinoïdes est d’agir de manière rétrograde sur les neurones. En effet, lorsqu’un neurone communique avec un autre neurone, il lui envoie une molécule appelée neurotransmetteur qui peut être activatrice ou inhibitrice. Les endocanabinoïdes sont produits en réponse à ce signal vers le neurone en amont et ont pour effet d’atténuer la libération de neurotransmetteur. Le hasard de la nature a fait que le THC notamment a une structure très proche des endocannabinoïdes et peut se lier aux récepteurs neuronaux CB1. Le THC consommé vient donc inonder le cerveau et agir comme des endocannabinoïdes. Comme les récepteurs CB1 sont présents dans de nombreuses régions cérébrales, les effets psychotropes du cannabis sont très divers et variables selon la dose. Les endocannabinoïdes ont ainsi un rôle dans la libération de dopamine, cette molécule à la base du plaisir et du système de récompense dans le cerveau. Le THC favorise la libération de dopamine, donnant un sentiment de plaisir. La nature et l’intensité des effets psychotropes varient beaucoup d’une personne à l’autre en raison des différences naturelles de quantités et de types de récepteurs aux endocannabinoïdes produits par chacun.Effet du cannabis sur le cerveau
Drogues, médicaments et dépendances18
Une drogue est une substance naturelle ou artificielle qui, par ses effets psychotropes, vont modifier notre état de perception et procurer du plaisir19. Le cannabis est donc une drogue au même titre que l’alcool alors que le jeu n’en est pas une. L’addiction est un critère qui rentre aussi en compte dans la définition de la drogue. Comme le suggère l’académie de médecine française, l’arrêt de la consommation d’une drogue amène un manque. Au jeu de la drogue la plus addictive, le tabac arrive en tête avec 32 % des fumeurs dépendants. Viennent ensuite l’héroïne (23%), la cocaïne (17%), l’alcool (15%), contre 9% des consommateurs de cannabis18. En France comme dans beaucoup de pays, l’alcool et le tabac sont des drogues autorisées mais réglementées mais le cannabis est interdit au même titre que l’héroïne et la cocaïne. Le cannabis a été retiré de la pharmacopée du Royaume-Uni en 1932 et interdit aux Etats-Unis en 1937. L’Uruguay sera le premier pays au monde en 2013 à légaliser la consommation récréative8,20. Aujourd’hui, le cannabis qui est redevenu légal, mais réglementé, dans de nombreux états des Etats-Unis.
Quels sont les arguments en faveur et en défaveur d’une légalisation ? L’utilisation de dérivés synthétiques ou naturels comme médicaments est-elle envisageable ? Pour les uns la marijuana est un bon médicament contre les douleurs, moins dangereux que l’alcool et dont l’interdiction augmente les trafics et coûte cher à la Société. Pour les autres la légalisation du cannabis aboutirait à une augmentation de sa consommation par les jeunes, des crimes et accidents de la routes, des suicides, ainsi qu’à une baisse de la productivité21.
Cannabis : poison ou bénédiction ?
Marijuana comme médicament
Un usage médicamenteux direct de la marijuana ou alors sous forme d’extraits de certains cannabinoïdes ou de cocktails de cannabinoïdes est possible. De plus, des molécules aux formes proches des cannabinoïdes peuvent être créées en laboratoire. Ainsi, des composés synthétiques avec une structure proche du THC, tels que la nabilone et le dronabinol, ont été développés.
Des études ont été menées sur l’ensemble de ces composés et une revue de la littérature a rendu le verdict suivant en 201522 : les cannabinoïdes de manière générale (synthétiques et naturels) ont apporté des preuves d’efficacité modérée dans le soulagement des douleurs neuropathiques et cancéreuses spécifiquement ainsi que pour la sclérose en plaque23–26. Il pourrait y avoir un effet pour améliorer le sommeil, traiter le glaucome, ou encore diminuer le syndrome de la Tourette22. Les cannabinoïdes sont aussi étudiés pour limiter les crises d’épilepsie27,28. Il y a des espoirs pour le traitement du cancer et des études sont en cours29–33 mais rien n’as encore été trouvé de très efficace34. Les effets sur les dépressions ou l’anxiété semblent très faibles et des effets secondaires ont été observés22. Enfin, le CBD, semble être efficace35 contre les douleurs de la fibromyalgie en association avec du THC. D’autres molécules actives comme les terpènes, aussi présents dans la marijuana, ont des effets sur le stress et le sommeil, mais ils ne sont pas inhérents au cannabis36,36,37.
Les cannabis et ses dérivés sont donc des pistes prometteuses de soins, mais leurs propriétés et interactions complexes n’en font en rien des médicaments miraculeux.
Marijuana comme poison
La fumée de marijuana contient de composés aromatiques polycycliques et des molécules cancérogènes à des concentrations plus enlevées que dans la fumée de tabac38. La consommation de marijuana augmente très considérablement les maladies respiratoires, les cancers des voies respiratoires et des testicules, ainsi que maladies cardiaques39–41. Il n’y a sur ce point aucun doute ni aucune ambiguïté. De ce point de vue-là, le triptyque cannabis, alcool et tabac sont des poisons à un même niveau.
Les cannabinoïdes provoquent des troubles psychologiques tels que la schizophrénie chez les personnes prédisposées génétiquement42–44. Quel que soit leur mode d’administration, ils ont aussi des effets sur la mémoire et l’apprentissage45. En effet, une différence de QI est notée entre les consommateurs réguliers et les non consommateurs de marijuana38. On trouve des corrélations entre les risques suicidaires et la consommation régulière de cannabis 34, de même en ce qui concerne le décrochage scolaire38.
Fumer du cannabis est donc préjudiciable à long terme et ce d’autant plus que le public est jeune. Les autres moyens d’administration ne sont pas sans conséquences non plus chez les jeunes spécifiquement46.
Les effets de la légalisation du cannabis
Légalisation aux Etats-Unis
De nombreux états américains ont légalisé le cannabis à usage médical puis à usage récréatif ces dernières années. Les Etats de la côte Ouest (Californie, Washington state, Oregon) ont été les premiers à légaliser le cannabis pour des usages médicaux (1996-1998). Il y a autant de législations que d’Etats, que ce soit pour le mode de distribution (réseau contrôlé par l’Etat ou entièrement libéralisé), son transport ou sa production (locale ou d’importation). Une page Wikipédia recense bien tout cela (lien et lien). En 2012, le Colorado et le Washington state furent les premiers états à légaliser l’usage récréatif. Il est donc intéressant d’étudier ces Etats afin de faire de mesurer l’impact de la légalisation.
La politisation
La question de la légalisation est, malheureusement, politisée partout dans le monde. Légalisation rime plutôt avec gauche et traque rime plutôt avec droite.
Usage du cannabis, chez les jeunes
Au même titre que d’autres drogues légalisées et réglementées telles que le tabac et l’alcool, le cannabis a des effets négatifs avérés, surtout chez les jeunes dont le cerveau est encore en développement. Les rapports du RMHIDTA47, un groupement fédéral48 d’étude des drogues, indiquent que la consommation a plus augmenté dans le Colorado que dans le reste du pays avec jusqu’à 100% de consommateurs de plus dans l’Etat. Ces rapports sont régulièrement cités par les médias et organisations opposées à la légalisation comme Smart Approaches to Marijuana (SAM)21,49,50.
A y regarder de près, ce chiffre de 100 % de consommateurs supplémentaires est discutable. Si on regarde la tranche d’age de 12 à 17 ans, on compte 30% de consommateurs en moins depuis l’année de légalisation dans le Colorado alors que la baisse n’est que de 10% au plan national. Alors au lieu de jouer avec les chiffres, il faut donc s’assurer d’appliquer une méthodologie qui permet de savoir quel est l’impact de la législation en s’affranchissant des effets d’âge, de classe sociale et d’évolution naturelle de la consommation.
Une méta-analyse publiée dans le journal Addiction et compilant 11 études a montré qu’il n’y avait pas de différences significatives de consommation suite à la légalisation pour usage médical51,52. Ce que l’étude met aussi en avant, c’est l’hétérogénéité d’impact de cette législation. Dans certains états, on note soit une baisse soit une augmentation significative de consommation pour une classe d’âge mais pas pour les autres, et parfois suivant la source du sondage les variations sont contradictoires. Cela ne signifie pas que les données soient mauvaises ou falsifiées mais indique une marge d’erreur à prendre en compte. Cette variabilité et l’importance de comparer des données similaires (âge, classe sociale etc) sont souvent oubliées. Quant au passage à une loi autorisant l’usage récréatif on observe effectivement une augmentation chez les jeunes adultes dans l’état de Washington53 mais une baisse54,55 chez les collégiens et lycéens. Dans une autre étude, des élèves de 4ème et de seconde ont vu leur perception de la nocivité du cannabis baisser et leur consommation augmenter significativement. En revanche, les élèves du Colorado n’ont eu aucun changement significatif de leur perception des dangers ni de leur consommation…52 On observe par ailleurs dans les états de Washington et du Colorado une baisse des hospitalisations d’adolescents pour usage du cannabis56.
Ces disparités font penser que les variations ne sont pas suffisamment fortes pour tirer de conclusion définitive ou alarmante. De manière générale, une augmentation de consommation chez les adultes est observée57 comparativement aux Etats n’ayant pas légalisé, mais une relation de cause à effet avec la légalisation en tant que telle est discutée58. L’image du cannabis et de sa dangerosité n’a pas non plus été drastiquement bouleversée par les évolutions de légilsation59.
Accidents de la route
Le cannabis altère les fonctions cognitives et donc peut avoir un impact négatif sur la conduite. La prise de cannabis multiple par 1,7 le risque d’avoir un accident mortel57,58 alors que les conducteurs sous l’influence de l’alcool sont 17,8 fois plus susceptibles d’être responsables d’un accident mortel.
Les rapports du RMHIDTA indiquent à propos du Colorado que : « le nombre de décès sur la route lorsqu’un conducteur est testé positif à la marijuana a plus que doublé, passant de 55 décès en 2013 (année de légalisation ndlr) à 125 décès en 2016 » (puis 115 en 2018 d’après le dernier rapport47). Cela parait légitimement très inquiétant car ces accidents représentent 25% des accidents mortels et ont augmentés globalement dans l’état. Mais cela est aussi troublant car ça voudrait dire aussi que la consommation aurait plus ou moins doublée chez les conducteurs. Chose qui semble difficile à la vue des résultats précédents. Autre chose troublante, près des ¾ des conducteurs testés positif à la marijuana ont été testé positifs à d’autres drogues d’après le rapport de la RMHIDTA. Le cannabis n’est donc pas forcément toujours la cause de ces accidents. En cherchant un peu plus loin dans le rapport, on peut voir le nombre de tests aux cannabinoïdes effectués : ils ont presque quadruplés depuis dix ans. Par chance on peut voir le nombre de tests positifs : ils oscillent entre 52% et 65 % avec un pic en 2014. Autrement dit, on trouve bien plus de conducteurs sous influence du cannabis, mais parce qu’on en teste plus ! Mais la proportion de gens testés positifs est restée sensiblement la même. Pour clouer la dernière planche sur le sujet, un individu testé positif au cannabis ne dit en rien qu’il conduisait sous emprise du cannabis car le test peut être positif plusieurs jours après une consommation. Le cannabis au même titre que l’alcool augmente les risques d’accidents de voiture, mais la légalisation dans le Colorado n’a en aucun cas augmenté significativement les accidents mortels. Tout au plus les accidents totaux ont pu augmenter de 10%60 mais les études à grande échelle sur le sujet ne trouvent aucun changement significatif61,62.
Criminalité
Dans le Colorado, le nombre d’arrestations pour possession de marijuana a chuté de moitié entre 2012 et 201463. Les études sur la criminalité ont montré soit une absence d’effet64 soit une baisse65–69,69 de la criminalité de manière générale. Rares sont les études relatant une augmentation des crimes autres que les crimes violents et les vols de voitures70. De nombreuses hypothèses sont avancées pour expliquer la baisser de certains crimes comme la disponibilité accrue des forces de l’ordre notamment.
La baisse des autres drogues
En 2016, plus de 11,5 millions d’américains ont une utilisation inappropriée d’opioïdes avec à la clef 450 000 personnes mortes d’overdose entre 1999 et 2018!71 Un chiffre qui a été en constante augmentation72. Le cannabis à usage thérapeutique peut être prescrit comme anti-douleur, de quoi remplacer les opioïdes ? Ou bien la cannabis serait-il la porte d’entrée aux autres drogues ?
Aux Etats-Unis on compte en 2017 près de 20 millions de personnes de plus de 12 ans qui ont un comportement à risque vis-à-vis d’une ou plusieurs substances (en dehors du tabac). La première de ses substances est l’alcool touchant près de 14 millions d’américains, et près de 2 millions ont à la fois une consommation d’alcool et d’une autre substance problématique. Ces autres substances sont le cannabis pour près de 4 millions de personnes puis les opioïdes avec près de 2 millions de personnes.73
Comme nous l’avons vu précédemment, l’efficacité des cannabinoïdes est variable suivant les individus et dépend du type de douleurs, alors que les opioïdes sont très puissants. Il semble impossible de substituer complètement les opioïdes par les cannabinoïdes. Prescrire du cannabis plutôt que des opioïdes est certainement envisageable dans certains cas mais ceci n’est en rien généralisable. Au mieux, la prescription de cannabis pourrait éviter à certaines personnes de tomber dans les opioïdes, et donc l’effet se verrait à très long terme.
Le nombre de morts par opioïdes a continué d’augmenter au Colorado21 comme partout dans le pays, alors que le nombre prescriptions a baissé74,75 comme partout aux Etat-Unis76… Cependant, la hausse des cas fatals est moins marquée dans les états ayant légalisé le cannabis77 et la baisse des prescriptions est plus marquée dans l’ensemble des Etats dont la législation a changé78. La baisse des usages des opioïdes suite à la légalisation est donc très légère79, et la légalisation n’a pas été une solution miracle à la crise des opioïdes.
Dans son rapport, l’association SAM met en avant qu’une utilisation plus tôt dans l’enfance de cannabis est reliée à une consommation d’opioïde plus tard, mais vu le délai entre ces deux périodes de la vie il semble tout à fait inconsidéré de pouvoir lié la hausse des morts par opioïdes sur 4 ans à
Coût de la traque et taxes sur le cannabis
Aux Etats-Unis il est estimé que l’addiction et les troubles de la consommation coûtent annuellement 740 milliard de dollars répartis entre coût pour la santé et la société80.
Comme l’a rapporté le Washington Post81, plus de personnes ont été arrêté en 2016 pour possession de marijuana que pour tous les crimes violents (meurtres, viols etc), soit près de 600 000 arrestations représentant 5% de toutes les arrestations du pays. D’après un rapport de l’ACLU, ceci coûte près de 3,6 milliards de dollars par an au contribuable américain82 avec 20 000 personnes en prison pour possession de marijuana. En France on estime à 570 millions d’Euros le coût du cannabis à la société : police, santé, justice83. Un rapport de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives estime en 2016 que le marché noir français du cannabis est de 810 millions à 1,4 milliard d’euros.84
Les taxes sont présentées par les promoteurs de la légalisation comme une manne financière. L’état du Colorado avance des revenus cumulés d’un milliard de dollars en 202085, soit environ 300 millions de dollars annuels dans un budget total annuel de 35 milliards de dollars. Dans l’Oregon, ce sont près de 100 millions de dollars annuels qui sont récoltés86 pour environ 20 000 personnes travaillant dans le secteur87.
La légalisation a semble-t-il d’autres effets : l’augmentation de la vente de Junk-food88, et certains auteurs craignent une baisse de la productivité89.
Quels impacts de la légalisation du cannabis dans les états américains ?
Conclusion
Les rapports faisant état d’une explosion de crimes, d’accidents de la route et de consommation suite à la légalisation du cannabis sont exagérés. Malheureusement, le sujet est trop politisé et les informations souvent triées, dans un sens ou dans l’autre90 suivant l’obédience du média, rendant les recherches très compliquées pour le quidam. On trouve aussi ces contradictions dans les publications scientifiques qu’il est parfois difficile de trier. C’est dommage car des données et des informations bien tangibles sont disponibles et les enjeux importants.
L’impact du cannabis sur la santé des jeunes est avéré et extrêmement préoccupant, a fortiori lorsqu’il est fumé. Les promesses d’une plante médicament ou d’entrées d’argent pharaoniques sont tout aussi exagérées. Il est d’ailleurs assez détestable de voir mis en avant la situation de gens en détresse avec une sclérose en plaque par exemple, pour justifier d’une légalisation91.
Au final les effets de la légalisation sont discutables92 et quel que soit le côté par lequel on aborde la problématique il y a rarement une réponse simple. La légalisation ne semble ni miraculeuse ni catastrophique. Le débat public qui devrait avoir lieu sur le sujet en France devra bien faire abstraction de toute simplification, le sujet est bien trop important pour rester cantonné dans des a priori idéologiques. Au final cette question est difficile car on doit mettre sur la balance d’un côté des choix de santé individuelle et publique, et d’argent et de plaisir d’un autre.
A lire écouter
https://sciencepop.fr/2017/05/29/cannabis-sante/
https://pourquoilecielestbleu.cafe-sciences.org/articles/legalisation-du-cannabis-pour-usage-therapeutique-et-consommation-des-adolescents/Remerciements
Merci à Jean-Pol Tassin, Directeur de Recherche émérite à l’INSERM, pour sa relecture et ses commentaires. Jean-Pol Tassin est un neurobiologiste spécialisé dans les mécanismes d’addiction.Bonus de la visite du dispensaire de cannabis
Phosphoré par : Gontier Adrien, Jaeger Catherine
Mots clefs : cannabis, légalisation, THC, CBD