Le fruit miracle, le fruit du futur ?


Transformer l’ordinaire en extraordinaire, ou comment les fruits de demain seront peut-être les meilleurs que vous ayez jamais mangé ! Découvrez la miraculine, la protéine qui rend l’acide sucré.

Date de publication : 23/07/16


Découvertes du fruit miracle1,2

C’est dès 1662, au cours de voyages dans l’actuel Ghana, que fut décrit pour la première fois le fruit miracle. Originaire de l’Afrique de l’ouest, ce fruit est connu sous différents noms scientifiques : Synsepalum dulcificum, Bumelia dulcifica, Sideroxylon dulcificum, Bakeriella dulcifica ou encore Richardella dulcifica. Ce sont des prêtres missionnaires, des marchands d’esclaves, des médecins ou encore des officiers de l’armée britanniques qui ont tour à tour décrit ce fruit qui pousse sur un arbuste pouvant mesurer 5 mètres. La baie ressemble fortement à une églantine : elle est rouge, de forme ovoïde, mesure 2 cm environ mais contient un noyau.

Pourquoi le fruit miracle est-il miraculeux ?

Le fruit a un goût très léger, comme une cerise fade. Mais c’est après l’avoir mangé qu’il devient intéressant. Il a comme propriété de transformer les goûts acides et aigres en goût sucré ! Après l’avoir mangé, le citron ressemble à une limonade ultra sucrée.

Cette propriété est due à une molécule que l’on retrouve dans la baie : la miraculine.

La miraculine, c’est quoi ?

Ce n’est qu’en 1988 que la miraculine fut isolée et identifiée3,4. C’est une glycoprotéine, c’est-à-dire une protéine, composée de 192 acides aminés, associée à des sucres3,5. Cette glycoprotéine a la propriété de transformer la sensation d’acidité ou d’aigreur en une sensation de sucré. Par contre, elle n’a pas d’effet sur l’amertume ou le salé6. Les études ont montré que toutes les sources d’acidité ne sont pas égales pour provoquer ce goût sucré. L’acide citrique, l’acide contenu notamment dans le citron, provoque la plus importante sensation de sucré1,7,8. Un cornichon dans le vinaigre (acide éthanoïque) aura quand à lui un goût moins sucré qu’un citron.

Enfin, d’autres protéines présentent des propriétés similaires : la monelline, la thaumatine, la curculine, la mabinline et la brazzéine9.

Mécanisme d’action

C’est après avoir mâché la pulpe du fruit que le goût se modifie pour une durée de 30 minutes à 2 heures10. Sous forme de fruit frais ou séché, il faut seulement 0,1 mg (100 µg) de miraculine pour obtenir un effet11. Le mécanisme exact de cet édulcorant n’est pas encore élucidé de manière unanime. Mais avant de comprendre ce mécanisme, il nous faut faire un détour rapide par ce qu’est le goût.

Le goût acide est provoqué par des composés qui sont définis en chimie comme des acides de Brönsted. Un acide de Brönsted est une entité chimique qui a la capacité de libérer un proton. Le proton est l’un des constituants essentiels des atomes : un proton associé avec un électron est un atome d’hydrogène (H), un hydrogène sans son électron (charge négative) est donc un proton (charge positive) qui est naturellement représenté par la formule H+. La quantité d’acidité est mesurée par une échelle qu’on appelle pH (Potentiel Hydrogène) et qui s’étend de 0 à 14 dans l’eau. Plus le pH est bas, plus c’est acide, c’est-à-dire plus le milieu contient de H+. Les entités chimiques qui ont un goût acide sont par exemple l’acide éthanoïque (vinaigre), l’acide citrique (citron), l’acide malique (pomme, poire). Chacun a une puissance acide propre. Le goût acide dépend de ces composés et de leurs concentrations.

Molécules du goût acide
Quelques molécules au goût acide

Le goût12,13

Vous savez bien que nous percevons les goûts grâce aux papilles de notre langue et de notre palais, mais savez-vous comment elles réalisent cette tâche minutieuse ? Chaque papille est formée d’un ensemble de bourgeons gustatifs, eux-mêmes formés de 50 à 150 cellules sensorielles du goût. Il existe plusieurs formes de papilles. Les papilles caliciformes en forme de dôme à l’arrière de la langue contiennent des centaines de bourgeons gustatifs. Les papilles foliées sont situées aux bords latéraux postérieurs de la langue et contiennent une dizaine à plusieurs centaines de bourgeons gustatifs. Les papilles fongiformes enfin contiennent un ou plusieurs bourgeons et se trouvent sur le devant de la langue. Mais contrairement à la croyance populaire, il n’y a pas subdivision de la langue en zones spécifiques pour chaque type de goût (acide, sucré, amer, salé, unami)13.

La perception des goûts sucré, amer et acide passe par des mécanismes identiques.

Les membranes des cellules gustatives sont traversées de part en part par des protéines sensibles aux différents goûts. Les goûts se fixent sur ces protéines qui vont alors se déformer. La manière d’activer ces protéines à l’interface dépend du type de goût :

  • Les goûts acide et salé sont caractérisés respectivement par les ions H+ et Na+. Les protéines réceptrices de ces goûts sont des canaux qui se débouchent en présence de la molécule de goût et se laissent traverser par des ions, ce qui modifie la charge électrique de la cellule. Ceci provoque la libération de neurotransmetteurs par la cellule gustative. Les neurotransmetteurs sont les molécules qui permettent la transmission d’information d’un neurone à l’autre dans le système nerveux. Dans la situation qui nous intéresse, ces neurotransmetteurs vont se fixer sur les nerfs qui passent à proximité des cellules gustatives et ainsi provoquer dans le nerf une décharge électrique qui sera acheminée jusqu’au cerveau.
  • Pour les goûts sucré, amer et umami, les récepteurs ne sont pas des canaux et ne peuvent pas laisser passer d’ions. Ce sont des protéines qui se déforment lorsque les molécules de goût s’y fixent. Cette déformation active des partenaires présents à l’intérieur de la cellule, partenaires qui vont alors, via différents intermédiaires, ouvrir ou fermer des canaux ioniques pour modifier la charge électrique de la cellule. La suite de l’histoire est similaire au mécanisme évoqué précédemment.

Le goût
Comment les goûts sont perçus par notre langue

Retour à la miraculine

Dès 1969, les chercheurs ont cherché à élucider le miracle de la miraculine. Et force-est de constater que le sujet est encore débattu14-17. Une première équipe proposa le mécanisme suivant : dans un premier temps, la protéine s’attacherait à côté des cellules sensorielles. Dans un second temps, au contact d’acide, la protéine se déformerait et une de ses extrémité se fixerait sur le récepteur du goût sucré qui transmettrait alors une information de goût sucré8. Depuis, d’autres hypothèses ont été avancées : la protéine se collerait directement sur le récepteur sucré mais ne l’activerait qu’en présence d’acidité17. Cette dernière explication est peut-être la plus appropriée16.

Miraculine mécanisme
Le mécanisme de la miraculine

Limitations de son utilisation

La miraculine est fragile, son extraction et sa conservation ne sont pas une mince affaire. Le fruit frais doit être rapidement consommé, mais la protéine peut aussi être extraite18,19. Cependant, le fruit miracle présente aussi l’avantage d’être très riche en composés phénoliques et flavonoïdes, des antioxydants20,21.

Autre limitation, le fruit miracle est exotique. De nombreuses recherches ont été menées pour cultiver des organismes génétiquement modifiés qui produisent de la miraculine. On a ainsi créé des bactéries (Escherichia coli), des levures, du tabac, des fraises, des tomates et des laitues produisant la protéine22-25. Les concentrations de miraculine peuvent alors être de 0,5 µg par gramme de fruit (fraise), 40 µg par gramme de laitue et jusqu’à 340 µg par gramme de tomate, contre 145 µg par gramme de fruit miracle23,26. Sachant qu’il faut environ 100 µg de miraculine pour avoir l’effet escompté17, certaines de ce expérimentations peuvent être concluantes.

Autre limitation, on ne peut pas mélanger facilement des goûts acides et sucrés… Son utilisation est donc limitée. Par contre elle peut être utile à des patients en chimiothérapie ou subissant des rayons et qui perdent le goût27,28. Dans les années 70, la compagnie Miralin Corporation as tenté de commercialiser la miraculine sous forme de produits divers avant de se voir refuser l’accord de la Food and Drug Administration. Cependant, le fruit et ses dérivés ne sont pas pour autant interdits24.

Contrairement aux édulcorants, la miraculine a un effet qui dure. Entre 30 minutes et 2 heures1,7,29. Et on peut garder longtemps une impression de présence d’édulcorant dans la bouche30, une expérience que nous avons-nous-même pu faire.

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Phosphoré par : Gontier Adrien, Jaeger Catherine

Mots clefs : sucre, acide, goût

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Références ▼

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