Le réchauffement climatique en fleur
Comment les cerisiers de Washington DC peuvent nous renseigner sur le réchauffement climatique ? Le changement climatique au bout des yeux.
Date de publication : 26/03/17
Le changement climatique
Un consensus scientifique existe sur l’existence d’un réchauffement global de la planète causé par l’Homme1. Comment le réchauffement climatique peut-il affecter nos vies de tous les jours ? Un article sur le sujet ne pourrait pas à la fois nous faire aborder en profondeur la question de la montée des eaux2, leur acidification3, les rendements agricoles4 ou encore l’évolution de certaines maladies5… Une littérature existe sur le site du GIEC et vous pourrez y approfondir certaines de vos connaissances à ce sujet (lien 1 – lien 2)6.
Comment voir ce changement ?
Par le passé
Finalement ces questions sont très lointaines de nos préoccupations de tous les jours. Il est délicat pour les scientifiques de communiquer leurs résultats avec le grand public, de les confronter avec ceux d’autres collègues et d’en prévoir les implications. C’est d’autant plus vrai quand on parle de remonter les âges pour en déduire les climats passés. Les climatologues n’étaient pas là il y a 100 ans enfin ! Pour connaître le climat passé, les scientifiques ont utilisé les cernes des arbres, les carottes de glace, les relevés météo ou encore le corail7. Ils ont à leur disposition différentes approches : densité, composition chimique etc. Il est assez fantastique de remarquer que les données concordent ! Les résultats finaux sont issus de nombreux paramètres en de nombreux endroits du globe.
Quelques moyens de reconstituer le climat du passé : anneaux d’arbres, carottes de glace, corail, relevés humains (températures, dates de moissons). Exposition du Marian Koshland Science Museum of the National Academy of Sciences.
Actuellement
Pour connaitre les changements récents, les relevés météo coordonnés ou les relevés satellites nous donnent une réponse directe en termes de températures. L’analyse des mers et des glaciers apporte autant de paramètres supplémentaires. De nos jours l’impact sur les vignes8 et la végétation en montagne9-11 sont des indicateurs directs d’un changement.
Mais malgré ces résultats époustouflants, aussi bien sur la reconstruction du climat passé que sur le changement actuel, le citoyen lambda ne touche pas du doigt ces réalités. Car ces réalités sont non seulement étalées dans le temps (le changement s’étale sur près de 50 ans), mais aussi chaotiques. On n’obverse pas de réponse linéaire. On ne peut pas comparer la température d’aujourd’hui à celle d’hier, pas plus qu’à celle de l’année dernière à la même date. Il faut avoir une vision d’ensemble des données sur le long terme.
Ajustements
De nombreux climato sceptiques tentent de critiquer ces résultats. Un de leurs arguments consiste à critiquer notamment les ajustements faits sur les relevés de températures par exemple. En effet, lors de changement de matériel ou pour homogénéiser les thermomètres du monde entier, il faut travailler les données brutes. Mais les paramètres n’ont pas besoin d’être ajusté et sont bien plus faciles à observer ! Dans cet article nous souhaitons nous pencher sur un indicateur de ce réchauffement : la date d’apparition de la fleur de cerisier.
La beauté comme thermomètre
Un des moyens d’observer ce changement climatique récent est la floraison des arbres. Nous vous écrivons de Washington DC aux USA et nous vous expliquons pourquoi c’est important.
Washington D.C. (District of Columbia) est la capitale des États-Unis. Entre L’état du Maryland et celui de la Virginie, les locaux l’appellent DC (à prononcer « Dissi »). DC abrite le « National Mall » où il y a la Maison Blanche, le Washington Monument, le Capitol et de nombreux bâtiments gouvernementaux. On peut aussi y visiter les musées de l’institution Smithsonian, une institution aux deux sens du terme. Sur ce bandeau de prairie de près de deux kilomètres de long on trouve à l’ouest le célèbre mémorial de Lincoln, qui figure sur les billets de 5 dollars et les pièces de 1 cent. Au sud du Lincoln Memorial se situe le bassin de Tidal, le long du Potomac. Il est bordé par les mémoriaux de Jefferson (que l’on retrouve sur la pièce de 5 cents, le nickel), de Roosevelt et de Martin Luther King. 3020 cerisier entourent ce bassin d’eau douce. Ils furent offerts en 1920 par le maire de Tokyo, Yukio Ozaki, en signe d’amitié entre les États-Unis et le Japon12. Leur arrivée dans la capitale est commémorée chaque année à l’occasion du « National Cherry Blossom Festival ». Le cerisier en fleur est devenu le symbole de la ville. Durant la période de floraison, plus de 1,5 million de personnes viennent admirer le spectacle. Des cartes, de la vaisselle, des parapluies sont vendus avec le cerisier en fleur comme symbole. Les musées Smithsonian en sont pleins ! Washington vit au rythme des Prunus yedoensis, variété « Yoshino » et Prunus serrulata, variété « Kwanzan ».
Ainsi, chaque année on suit de près la floraison des arbres, donnant aux washingtoniens un spectacle de toute beauté13. La fleuraison est précédée par l’apparition de bourgeons et il y a donc une « météo de la fleuraison » pour suivre de près les différentes étapes. Le Washington Post fait ses prévisions, tout comme le service des parcs nationaux. Une préoccupation qui est bien entendu de mise au Japon, où la fleur de cerisier est symbole national.14
Données sur la floraison à Washington DC
Alors remontons dans l’histoire pour découvrir les dates de floraisons. Nous avons pour cela accédé aux données du National Park Service sur le site de l’EPA (Environnement Protection Agency)15. La floraison de la variété Yoshino a été soigneusement répertoriée depuis 1921 par le National Park Service. La date de floraison maximale est le jour où 70% des fleurs sont en pleine floraison. Pour ajouter un deuxième indicateur, nous avons choisi la température moyenne de l’hiver à Washington DC, relevée par le National Climatic Data Center16.
Evolution des températures moyennes des hivers à Washington DC depuis 1920 (en gris) et des dates du pic de floraisons (en rose).
Le résultat parle de lui-même. A y regarder de près la tendance montre que les températures moyennes des hivers sont de plus en plus chaudes et la date de floraison de plus en plus tôt dans l’année. Bien entendu d’une année sur l’autre les « sauts » sont immenses. Déjà en 1920 on pouvait constater des floraisons très précoces (mi-mars). Mais au fur et à mesure des années, la date de floraisons moyenne devient de plus en plus précoce. Il est important de comprendre que, de manière générale, les records seront toujours battus. Mais il y aura de plus en plus de floraisons très précoces et de moins en moins de floraisons très tardives. Au fur et à mesure, les records passés seront la moyenne actuelle. Avec le réchauffement climatique c’est pareil : il y aura de plus en plus de records de chauds et de moins en moins de froids.
On s’en rend mieux compte en prenant les floraisons par paquets de 10 ans : durant la décennie 1950, seules 20% des floraisons étaient précoces, contre 80% dans la décennie 2000. C’est toute la délicatesse du réchauffement climatique. De manière locale les variations d’année en année sont grandes. C’est en regardant la tendance à long terme et en la couplant avec d’autres données dans le monde que l’on peut avoir ce que les américains appellent la « Big Picture ». L’image globale.
Le travail de certains chercheurs a donc consisté, en 2011, à prédire les futures dates de floraison. Pour l’année 2020 ils estimaient la floraison des variétés Yoshido au 1er Avril en moyenne, à plus ou moins 12 jours12. Cette année le pic a été le 25 mars. D’après l’EPA donc, la date de floraison moyenne s’est avancée de 5 jours en 96 ans. D’autres fleurs sont aussi de plus en plus précoces dans la région de DC17. Leur date d’apparition est désormais de 4,5 jours plus avancée. On voit donc que les chiffres sont cohérents avec les observations actuelles. D’autres conséquences seront visibles dans les villes, avec une mortalité plus importante en été18 et la montée des eaux proches des habitations côtières19.
Conclusion
- Le réchauffement climatique c’est mal
- Mais ça rend DC belle un peu plus tôt
Phosphoré par : Gontier Adrien, Jaeger Catherine
Mots clefs : fleur, cerisiers, climat, Washington