Est-ce que la pensée a un effet sur la pourriture du riz ?
Réalisation de l’expérience d’Emoto qui consiste à savoir si notre pensée et notre volonté peut avoir une influence sur la matière.
Date de publication : 13/03/22
Introduction
Masaru Emoto (1943 - 2014) était un homme d’affaires et un auteur qui affirmait que la conscience humaine affecte la structure moléculaire de l’eau. Il a proposé dans un livre une expérience à ses lecteurs pour tester son hypothèse : cuire du riz et en mettre une partie dans un pot à aimer et une autre partie dans un pot à détester. Le pot de riz aimé ne doit pas pourrir contrairement à un riz détesté [1]. On voit une scène dans le film "les petits mouchoirs (2010, Guillaume Canet)" qui aborde ce sujet et ainsi propage cette croyance. Cette idée de pouvoir avoir une influence par la pensée donne de l’espoir, et la façon dont notre volonté seule peut magiquement améliorer la santé ou guérir une maladie serait révolutionnaire. Ces idées, mélangées à des pseudo-sciences en médecine, sont largement répandues dans la population [2-5] malgré leur manque d’efficacité démontrée [4-9]. J’ai eu envie de tester cette hypothèse, devenue croyance, qui est finalement simple à vérifier et il faut bien le dire tout le monde à envie d’y croire.
Question : La conscience peut-elle augmenter ou ralentir de manière significative le nombre de moisissures sur le riz ?
Mon hypothèse : Les moisissures ne devraient pas augmenter significativement dans un groupe ou un autre au seul motif de la pensée qui est attribuée.
Mon expérience : Réaliser une expérience randomisée en double aveugle où les échantillons de riz sont soit aimés soit détestés. Suivre le nombre d’échantillons pourris, le nombre de moisissures sur chaque échantillon et leur surface.
Variables indépendantes : L’environnement émotionnel du riz (certains sont insultés, d’autres sont soumis à des louanges).
Variables contrôlées : Un environnement similaire pour chaque échantillon (température, humidité, exposition à la lumière).
Variables dépendantes : Le nombre et la surface des moisissures.
Matériel et méthodes
Matériel : 2*250ml de riz (Presto®) ; 2*250 ml d’eau (Bahia®) ; Bécher de 1L ; Plaque chauffante ; Des élèves de 4ème et des collègues ouverts d’esprit ; 2 expérimentateurs ; 40 pots d’échantillons ; 2 bacs ; Film de paraffine.
Mise en bouche
Préparation des bacs sur lesquels sont mis les échantillons.
- Assigner au hasard une position de chaque échantillon dans deux bacs (programme Python 1)
- Préparer les bacs avec toutes les positions
- Numéroter les pots d’échantillons de 1 à 40
CODE PYTHON 1
import math;
import random;
total = list(range(1, 41));
ordrerangement = random.sample(total, 40);
print("ordre des pots sur la table’ : ",(ordrerangement));
Préparation d’un bac à échantillons
Numérotation des pots à échantillons
Plat de résistance : Cuisson du riz, AKA "wok culture"
- Faire bouillir 250ml d’eau dans un bécher de 1L
- Faire cuire 250ml de riz dans l’eau pendant 10 minutes
- Garder le riz chaud (contrôler la température)
- Remplir le fond de chaque pot d’échantillon de 1 à 20, avec un maximum d’une couche de grains de riz.
- Couvrir les échantillons avec un film de paraffine
- Placer les échantillons à la position assignée par le programme python dans les bacs
- Recommencer tout le processus pour le 21ème au 40ème pot.
Expérimentateur 1
Remplissage des pots à échantillons
Échantillons de riz placés à leur position assignées au hasard.
Dessert : The rise of pourritures pendant 2 semaines
- (Expérimentateur 2) Attribuer au hasard une humeur (haine/amour) pour chaque échantillon (programme Python 2) et cacher cette liste à l’expérimentateur 1
- Consigner les échantillons de chaque groupe sur une feuille à l’abri du regard de l’expérimentateur 1
- Faire aimer ou détester chaque jour chaque pot individuellement, avec conviction, en fonction de leur affectation précédente consignée sur la feuille. Rôle à donner à des collègues un peu timbrés ou des élèves convaincus
- Placer et retirer l’échantillon du bac pendant le transfert de sentiments
- Quotidiennement, tourner de 90° les bacs d’échantillons
- Expérimentateur 1 : compter le nombre de moisissures et la surface des moisissures de chaque échantillon (à l’aveugle : expérimentateur 1 ne sait pas qui est qui)
CODE PYTHON 2
import math;
import random;
total = list(range(1, 41));
jetaimeliste = random.sample(total, 20)
print("liste de pot ’je t’aime’ : ",(jetaimeliste));
jetedeteste = [x for x in total if (x not in jetaimeliste)];
print("liste de pot ’je te deteste’ : ",(jetedeteste));
Une gentille élève de quatrième transmet ses émotions, uniquement de l’amour j’en suis sûr
Comptage quotidien de moisissures, ici #17. A ce moment l’expérimentateur 1 ne connait pas la nature des émotions envoyées à chaque échantillon
Digestion : La riz-vélation
Enfin, compiler les données et révéler riz est riz (qui est qui).
La feuille secrète donnée aux transmeteurs.trices d’émotions
Observations
- Après quelques jours, les moisissures peuvent fusionner. Le nombre de taches fusionnées rapportées dans ce cas reste le même que précédemment, seule la surface change.
- Les moisissures foncées et vertes sont les plus faciles à repérer. Parfois, des moisissures jaunes apparaissent plus tard.
- Le riz a été aimé ou détesté dans différentes langues et avec différentes intensités : friz-çais (français), arizb ou dariz-ja (arabe - Darija marocaine), riz Olé (espagnol).
Interprétations [10-12]
J’ai effectué un test statistique, l’analyse de survie de Kaplan Meier (non paramétrique). Ce test est réalisé pour répondre à la question H0 : les 2 groupes sont-ils identiques ? La réponse à cette question est une p-value. Plus la valeur p est grande, plus elle répond oui à H0 avec certitude.
L’analyse de survie révèle une valeur p de 0,87. Il n’y a pas d’effet sur l’apparition de moisissures en fonction du groupe (aimé/ détesté), même conclusion avec le test Log-Rank dont la valeur p est de 0,86.
Nous sommes pratiquement sûrs que les deux groupes sont égaux avec respectivement 87 et 86 % de certitude. Le nombre d’échantillons touchés par la moisissure n’est pas significativement différent entre les deux groupes (n = 40).
Test de Survie. En bleu le pourcentage de pots aimés sans moisissure visible, en rouge le pourcentage de pots détestés sans moisissure visible. La courbe représente l’évolution du pourcentage de chaque pot en fonction du temps en jours. Les carrés rouge et bleus représentent l’intervalle de confiance, c’est à dire la variation de pourcentage possible si l’on tient compte des erreurs et de la variabilité des échantillons. Chaque groupe pourrait être soit au dessus soit en dessous des courbes dans ces carrés, avec une confiance de 95%. Les incertitudes des deux groupes se recoupent, voulant dire que chaque groupe pourrait être inversé, aucun groupe n’atteint une valeur significative dan sun sens où l’autre.
Après 14 jours, on compte 14 pots aimés impactés par la moisissure et 14 pots détestés impactés par la moisissure (le jour 15 a été ajouté sur le graphique afin de mieux voir les résultats du jour 14).
Le test de Kruskal-Wallis (non paramétrique) pour chaque jour sur le nombre de taches et leur surface. Une valeur p > 0,05 rejette l’hypothèse d’une différence entre les deux groupes. Jamais une différence significative entre les deux groupes n’a été détectée.
Nombre moyen de points de moisissure dans le groupe aimé (bleu) et détesté (rouge). Si le nombre de spot n’est pas identique, il n’est PAS significativement différent. Les intervalles de confiance des deux gorupes se croisent. (le jour 15 a été ajouté sur le graphique afin de mieux voir les résultats du jour14).
Surface moyenne de moisissure dans le groupe aimé (bleu) et détesté (rouge). Si la surface de moisissure n’est pas identique, elle n’est PAS significativement différente. C’est à dire que la surface de moisissure statistiquement identique entre les deux groupes (le jour 15 a été ajouté sur le graphique afin de mieux voir les résultats du jour14).
Tests statistiques pour tous les jours
Exemples de pots : #18 était un détesté
Conclusion
L’hypothèse d’Emoto était rizible mais n’est pas validée par notre expérience. Après 14 jours, aucune différence significative entre les 2 groupes d’échantillons de riz (20 haïs-20 aimés) n’est observée quelles que soient les variables :- Après 14 jours d’affilé, le nombre d’échantillons touchés par la moisissure : pas de différences, p-value : 0,87>>0,05 (test de Kaplan Meier) 0,86>>0,05 (test de Log Rank).
- Nombre quotidien de taches de moisissure : aucune différence, p-value : 0,36-1 >>0,05.
- Surface quotidienne de moisissures : pas de différence, p-value : 0,39-0,99 >>0,05.
Cette expérience a mis en évidence l’importance d’une expérience randomisée en aveugle [15,16], notamment en raison d’un nombre élevé de paramètres et d’une forte variabilité intergroupe. En effet il est certain qu’avec la connaissance des émotions attribuées aux échantillons, on aurait tendance à biaiser nos observations. Quoi qu’il en soit, cette expérience fut très en-riz-chissante.
Améliorations possibles
"La démarche scientifique"
- Un contrôle plus poussé de l’humidité (facteur important dans la croissance des moisissures)
- Un contrôle de la contamination initiale par des moisissures (contamination volontaire)
- Un comptage plus précis des moisissures (ex : qPCR)
- Plus d’échantillons
- Ou simplement arrêter de perdre du temps dans des expériences dont on connait déjà les résultats [21]...
"Je veux croire"
- Plus d’étudiants contrariés lâchant leur haine sur le riz (par exemple après une mauvaise note)
- Veiller à parler dans la même langue que le riz
- Utiliser un riz biologique complet issu du commerce équitable
- S’assurer des intentions des expérimentateurs avec une "échelle de sincérité"
- Discuter avec les deux groupes de riz à au moins 123,666 m de distance pour éviter les interférences (etc.)
- On peut trouver toutes sortes de choses sans aucun sens pour rejeter l’évidence
Post conclusion
Avec cette expérience, je voudrais montrer qu’il est facile de tester une hypothèse plutôt que de simplement y croire. Bien entendu certaines expériences sont plus faciles à mener que d’autres.
Aussi, une expérience est toujours soumise à des événements inattendus, des problèmes et des améliorations possibles. La démarche scientifique est toujours en recherche d’amélioration. Ainsi, nous pouvons avoir plein de questions et d’idées pour améliorer ou critiquer ce test sur le riz et les émotions. Il faudrait garder le même niveau de scepticisme, que l’on aime ou non les conclusions d’une expérience. Imaginez si j’avais fait le comptage sans être en aveugle, enlevé des pots de riz, compté différemment les deux groupes, ou encore extrapolé la moitié de mes résultats. Pas très sérieux. Pire si dans un an j’annonce que le nombre de pots pourris n’est pas vraiment celui indiqué.
Pensez à ces critiques, et imaginez maintenant lors d’une épidémie mondiale, qu’un druide fasse la promotion d’un remède miraculeux [17]. Imaginez sa conclusion basée sur une étude avec seulement 6 patients dans le groupe test, après l’élimination d’un mort et de 3 patients gravement malades. Imaginez cette soit disant guérison comparée à un groupe de contrôle basé sur des données incomplètes et extrapolées recueillies avec une technique différente. L’étude est validée par un journal ami en moins de 24h (lien). Malgré la faiblesse de cette étude non randomisée et pas réalisée en aveugle, imaginez enfin ce remède fortement promu par ses auteurs, certains politiques ou certains médias ignorant les alertes de la communauté scientifique mondiale. Impossible que cela n’existe.
Heureusement qu’il ne s’agit que d’une situation hypothétique, et qu’aucune vie n’est en jeu. Bien entendu tout le monde serait aussi critique face à cette étude que sur mon expérience avec le riz. Bien entendu, si un an plus tard, les auteurs admettent dans une publication en réalité 2 morts avec leur protocole, portant le taux de létalité à 12% pour leur protocole miracle contre 0% dans le groupe contrôle [18]... Alors là, il en serait fini de cette pseudo-star de Youtube. Pas besoin de trois doctorats pour voir le problème.
Le comité d’éthique du CNRS a souligné dans son rapport que les scientifiques ne devraient pas promouvoir le "populisme scientifique" pendant une crise, mais plutôt aider les gens à décider (politique, médias, citoyens) [19]. Un grand nombre d’études mettent en évidence un risque de mortalité plus élevé associé aux pseudo-sciences et aux croyances non prouvées plutôt qu’au recours à une médecine fondée sur des preuves [20-22].
Exemple d’une étude bien trop faible pour le bruit qu’elle a pu faire et le melon de ses auteurs
Résultat impressionnant qui donne un énorme espoir
Il semblerait que près de 60% des données sur le groupe contrôle soient manquantes, et donc ont été extrapolées.
Exemple fictif suite... Comment supprimer des morts et malades graves d’une étude pour conclure que le remède est miraculeux.
Seconde publication fictive de la même équipe de recherche qui finalement montre que son groupe qui prend son remède miraculeux montre 12% de mortalité, 6% dans son demi remède et 0% dans le groupe contrôle d’un autre hôpital trop mauvais à la botte de big pharma qui ne travaille pas bien.
Conflits d’intérêts
L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt (sauf une préférence pour le couscous plutôt que le riz). L’auteur ne déclare aucun retrait d’échantillons ou de données non désirés.
La bibliographie est accessible grâce à sci-hub, sci-hub supprime les obstacles à la science et donne de meilleurs sources que Youtube.
Phosphoré par : Gontier Adrien
Mots clefs : Riz, Emoto, COVID