Elevé par des homos ? Et si le problème c’était les autres ?
La question des enfants élevés dans un couple homosexuel est on ne peut plus explosive, et la récente loi votée autorisant le mariage des personnes du même sexe a remis le sujet sur le devant de la scène. Cependant, mis à part quelques sophismes et inquiétudes plus ou moins sincères, on a rarement parlé des études scientifiques. Que dit la science sur le sujet ?
Date de publication : 01/01/15
De quoi parle-t-on ?
L’homoparentalité n’a pas de définition stricte, elle englobe à la fois les enfants issus d’une union hétérosexuelle dont un des parent se définit homosexuel(le), les enfants issus d’insémination artificielles de mère(s) lesbiennes ou de gestation pour autrui (respectivement par PMA et GPA), les enfants adoptés par des couples homosexuels, ou encore la situation la plus courante, celle d’enfants issus d’unions hétérosexuelles mais dont un des parent a re-formé un couple homosexuel. On estime que l’ensemble de ces situations concerne 200 000 à 300 000 enfants rien qu’en France, le double en Allemagne et 3 à 14 millions aux Etats-Unis3.
Comment étudier ces situations complexes ?
Il est donc évident, à la vue de ces situations extrêmement différentes, que la définition même de l’homoparentalité peut poser problème. La situation d’un enfant adopté par un couple homosexuel est-elle comparable à celle d’un enfant vivant avec un seul parent homosexuel ? L’étude de familles n’est pas « aussi simple » qu’une étude en laboratoire: des questions sur les groupes testés et les groupes témoins se posent. Par exemple : compare-t-on des groupes au statut social réellement identique ? De manière générale, les biais peuvent être dus à :
- la classe sociale des familles choisies
- la situation familiale (les parents sont-ils divorcés, le couple est-il stable, etc.)
- l’âge de l’enfant étudié (enfant, adolescent, jeune adulte)
- la variable étudiée (réussite scolaire, intégration, etc.)
La méthode de recrutement des familles étudiées peut également être une source de biais. Par exemple, le recrutement des familles homoparentales par le relais d’associations peut favoriser l’étude de familles militantes. Mais tout dépend de la variable étudiée : si les auteurs de l’étude questionnent les enfants, ou étudient les notes scolaires par exemple, le militantisme des parents n’est pas source de biais. La question du contexte familial est donc complexe.
Bien entendu, les chercheurs connaissent ces subtilités et tentent de minimiser au mieux les biais inhérents à leurs études. Une étude n’est jamais parfaite, et une imperfection ne permet que rarement de rejeter en bloc l’ensemble de leurs conclusions. Ainsi, comme dans de nombreux secteurs de recherche, on peut retrouver des résultats opposés, mais il est important de savoir pourquoi les résultats peuvent différer dans leurs conclusions.
Après ces précautions, essayons toutefois d’y voir un peu plus clair.
Quelles études ont été effectuées ?
La majorité des études ont été conduites aux États-Unis et dans les pays nordiques, majoritairement sur des couples de lesbiennes. Ceci s’explique tout simplement par l’évolution sociétale dans ces pays, et la facilité toute relative des couples de lesbiennes à y fonder une famille. Les études comparent différents paramètres chez les enfants vivant dans ces couples : les aspects psychologiques et comportementaux, la sociabilité, la stigmatisation par leurs camarades, l’intelligence, la perception de soi, l’identité sexuelle, etc. Et de nombreux travaux de regroupement de ces études ont été effectués3-8 (que l’on appelle revues). De manière générale, les différences trouvées sont minimes et à la marge9.Orientation sexuelle des enfants
D’après une revue datant de 20053, la majorité des études démontre que les enfants élevés dans des couples homos ne choisissent pas préférentiellement une orientation homosexuelle. Même si les pré-adolescents élevés au sein de familles homoparentales semblent montrer plus d’incertitudes sur le type de leur futures relations10, une fois devenus adultes, les enfants de couple homosexuels ne semblent pas choisir préférentiellement une orientation homosexuelle3,6. Les petites filles de mères lesbiennes ou les petits garçons de couples gays ont des activités moins stéréotypées comparativement aux enfants élevés par des couples hétérosexuels11.Intégration des enfants
La majorité des études ne montre pas de problème de délinquance (violence, utilisation de drogue) chez les enfants élevés par des couples homosexuels. En réalité, c’est la qualité des relations entre parents et adolescents qui est déterminante, plutôt que le type de famille12. Dans certaines études où les enfants, les parents et les enseignants ont été mis à contribution, les « performances » scolaires ainsi que l’intégration des enfants dans leurs écoles ont été perçues comme similaires quelle que soit l’orientation sexuelle des parents13,14. Là encore, la relation au sein du couple et le stress parental ont plus d’importance que l’orientation sexuelle des parents pour influencer la réussite scolaire ou l’intégration de l’enfant15,16. Les enfants, aussi bien sur leur comportement, leurs relations amicales, leur apparence physique, leur estime d’eux-mêmes et leurs résultats scolaires, ne montrent pas de différences avec leurs camarades. Néanmoins, les enseignants indiquent que les enfants issus de familles lesbiennes rencontrent plus de problèmes d’attention que les enfants issus de familles hétérosexuelles14. Par ailleurs, l’estime de soi des adolescent(e)s est plus élevée quand leur mère est en couple, que la mère soit hétérosexuelle ou homosexuelle17.
Conflits et maltraitance
Dans des études portant sur les couples de lesbiennes, la fréquence des disputes, leur sévérité et les sévices infligés aux enfants ne sont pas supérieurs à ceux des couples hétérosexuels. Les mères lesbiennes donnent significativement moins de fessées13. Les questions concernant les agressions sexuelles ont aussi été étudiées. Non seulement les violences sexuelles sur des enfants ne sont pas dues préférentiellement aux actes d’homosexuels18, mais aucune violence particulière n’a été détectée au sein de ces familles19.Controverses
En 2012 une étude qui allait très largement à contre-courant a été publiée : celle de Regnerus20. Ce n’est pas la seule, mais celle-ci a défrayé la chronique. Les 250 enfants devenus adultes et dont un parent pouvait avoir eu une relation homosexuelle pendant l’enfance ont été étudié. Ces individus présenteraient près de 25 différences flagrantes sur 40 variables recherchées. Quand ils étaient enfants, 69% de ces familles auraient reçu des aides publiques, contre 17% pour les familles traditionnelles. Les enfants devenus adultes seraient à 28% au chômage contre 8% pour le reste de la population. Cette étude a été largement reprise par les associations anti-mariage gay par exemple, laissant à penser que toutes les autres études devenaient caduques, voire qu’elles n’avaient pas existé. La réalité est que cette étude a été financée et conduite par des personnes ouvertement homophobes. Elle ne traite pas le devenir d’enfant élevé dans une famille homoparentale, mais dont un des parents aurait eu une relation homosexuelle. L’étude a été menée avec une méthodologie encore plus bancale que la majorité des études précédentes et comporte de nombreuses erreurs. Elle se base sur des questionnaire et ne traite pas de l’homoparentalité, mais de personnes qui déclarent avoir eux un parent qui aurait eu une relation homosexuelle. Le nombre de sujets concerné est en réalité assez faible (236), dont 53 qui ont vécu moins d’une année dans une famille homoparentale. Près de la moitié n’a pas vécu dans une famille stable avec deux parents. L’étude se base uniquement sur des questionnaires qui ont été mal remplis et les données brutes ne sont pas travaillées (des réponses incohérentes ne sont pas écartées ou discutées). Les différences trouvées sont plutôt celles dues à une enfance malheureuse telle qu’on peut en connaître dans les familles hétéro parentales21-24.
Conclusion
Malgré toutes les incertitudes pouvant être associées à ces études, les différentes variables recherchées, les différents modes de recrutement et d’étude (questionnaire, entretien, participation directe des enfants, des parents ou d’enseignants), la majorité des études menées vont dans le même sens. Celui du « no difference », ou en tous cas celui de différences minimes sur l’impact d’un enfant élevé par des parents de même sexe. L’académie américaine des pédiatres conclut que dans l’intérêt de l’enfant, la possibilité de mariage peut aider à réduire la stigmatisation sociale dont les parents gays et leurs enfants sont victimes et apporter toute la sécurité dont l’enfant a besoin pour s’épanouir25.
Phosphoré par : Gontier Adrien, Adam Véronique, Jaeger Catherine
Mots clefs : homoparentalité, éducation, enfant, homosexualité