Ne me cassez pas du sucre sur le dos (3/3)
Série sur le sucre, troisième et dernière partie. Quelles sont les différences de propriétés entre le sucre brun et le sucre blanc ? Le sucre, est-il problématique pour notre santé ? Pourquoi ? Curieux² Savoir est entré dans ce petit monde et l’a déchiffré pour vous.
Date de publication : 21/03/16
Les micronutriments
Outre le saccharose, le sucre de canne roux et surtout le sucre de canne brut contiennent des micronutriments en quantités non négligeables (fer, potassium, phosphore, zinc, vitamines).
Composition de différents sucre (brut de canne, brun de canne, et de betterave blanc)1,2. Le sucre de canne brut est très riche en fer (Fe), magnésium (Mg), potassium (K), calcium (Ca), phosphore (P), zinc (Zn) ainsi qu’en vitamines B et E et provitamine A (beta carotène).
Ces micronutriments, particulièrement présents dans le sucre de canne brut, peuvent avoir des effets positifs sur la santé si ce sucre est utilisé à la place de sucre raffiné. Le calcium, le fer, le cuivre ou encore les phosphates furent tour à tour présentés comme garants de la prévention des caries. En effet, des tests en laboratoire montraient une action préventive du sucre brut sur les carries, confortés par des études de populations3. Aujourd’hui on pense que les phosphates agissent de pair avec deux autres composés de la famille des composés phénoliques (ehydrodiconiférylalcool-9’-0-O-b-D-glucopyranoside et l’isoorientine-7,3’-0-O-diméthyl éther). Ces molécules présentent une toxicité pour les bactéries Streptococcus mutans et Streptococcus sobrinus à l’origine des carries. Moins de bactéries, moins de caries.
Il semblerait également que les composés phénoliques favorisent le ralentissement de la croissance de tumeurs cancéreuses et qu’ils soient responsables de l’effet positif du sucre brun contre le mercure, l’arsenic ou encore les dommages aux cellules. Des études ont montré que l’importante concentration en fer dans le sucre brut pouvait favoriser la fabrication d’hémoglobine4,5. Le diabète et l’hypertension seraient aussi réduits lors de la consommation de sucre de canne brut plutôt que de sucre blanc5.
Consommation de sucre en France
La consommation de sucre en France est d’environ 100 g par jour et par habitant, dont environ la moitié provient de sucres « ajoutés » (boissons, biscuits etc.) et l’autre moitié de sucres « naturels » (fruits, etc.)6,7. L’industrie du sucre en France affirme en 2015 que cette consommation correspond aux recommandations de l’OMS6,7, tout en admettant qu’« environ 3 adultes sur 4 et 1 enfant sur 2 répondent à cette recommandation ». Cependant, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) précise dès 2002, et le redira en 2014 que « les apports en sucres soient inférieurs à 10% de l’apport calorique journalier (soit environ 50g ndlr.) » et « qu’une réduction de ce pourcentage à moins de 5% par jour apporterait des bénéfices supplémentaires (soit 25g ndlr.) ». Une telle réduction peut avoir des effets préventifs contre les maladies chroniques. L’OMS recommande ainsi une consommation inférieure à 25 g de sucres totaux par jours, sucres ajoutés et naturellement présents (miel, sirops, fruits etc.)8-10.
Ainsi, un enfant sur deux consomme trop de sucre. Sucre qui est essentiellement caché.
Impact du sucre sur la santé
L’augmentation de la consommation de sucre s’est généralisée dans le monde entier au cours du XXème siècle11, amenant son lot de problèmes, tel que les carries12-15 et l’obésité16.
Les calories apportées par le sucre sont appelées calories vides par les nutritionnistes17. C’est-à-dire qu’il n’y a qu’un apport de sucres, sans aucuns nutriments, ni vitamines, ni minéraux. Un rapport sur le sucre de 2013, rédigé à l’attention de l’Assemblée Nationale Française, indique qu’un apport de telles calories (vides) a été identifié depuis près d’une quinzaine d’années comme un facteur de surpoids et d’obésité18. Ces sucres « vides » sont consommés par le biais des sodas par exemple. Les sodas, qui de par leur teneur extrêmement élevée en sucre, sont reconnus comme une cause directe de l’obésité19-21. Ce problème n’est pas marginal, mais dépend fortement des pays. En effet, aux Etats-Unis, 67% des 20-74 ans sont en surpoids. Le surpoids est un facteur de risque pour de nombreuses maladies (diabète, cancers, risques cardiovasculaires etc.)21,22 ! Or, un soda peut contenir jusqu’à 40 g de sucre10 pour une cannette de 330 ml.
Les industriels du sucre et des produits sucrés (tels que les sodas) ont curieusement un avis différent sur la question23. En effet, pour expliquer les problèmes d’obésité, ils mettent en avant son aspect multifactoriel, des preuves scientifiques insuffisantes, et jouent sur les sentiments des consommateurs : un petit bonbon ne ferait jamais de mal à personne. Qui plus-est ils arguent que les sodas sont une bonne source d’hydratation, une rentrée d’argent pour les établissements scolaires qui les vendent, que l’activité physique est plus importante que l’apport alimentaire et enfin qu’il est injuste de stigmatiser les sodas car il y a de nombreuses causes d’obésité et qu’il n’y a pas de «bons» ou de « mauvais» aliments21 !
Pourquoi le sucre ne serait-il pas bon ?
Obésité
Pour les scientifiques il n’y a pas de doute : les produits très sucrés comme les boissons sont ajoutés à la consommation journalière. Ils constituent un surplus calorique à chaque fois, et non un substitut21,24. En effet, le consommateur ne compense pas l’apport calorique de son soda en se privant d’une autre source calorique : le soda représente donc un apport net de sucre. De plus, les sucres qu’ils apportent sont très rapidement assimilables20 , ce qui fait des sodas une source d’obésité ! Il y a là consensus scientifique10,25-27.
L’une des plus célèbres études sur la consommation de soda par des enfants montre ainsi que l’indice de masse corporel (IMC, qui correspond au poids divisé par la taille au carré) augmente fortement dès l’introduction de boissons sucrées. Pour chaque portion supplémentaire de boisson sucrée consommée par les enfants (un verre), l’indice de masse corporelle augmente en moyenne de 0,24 kg/m² (soit un gain de 500g pour un enfant de 45kg et de 1,50 m par exemple) et multiplie le risque d’obésité par 1,6.28
Diabète
A force de solliciter le pancréas pour réguler le taux de sucre dans le sang, ce dernier peut se dérégler et entrainer un diabète de type 229. Ce diabète est d’origine génétique. Si vous avez des personnes de votre famille atteintes de cette maladie vous aurez donc plus de risque de l’avoir aussi. Cependant, l’environnement dans lequel vous vivez peut le faire survenir plus rapidement ou éviter qu’il ne survienne. L’environnement, c’est l’activité physique et l’alimentation notamment. Pour étudier cela des chercheurs ont imaginé une stratégie aussi simple que géniale : ils ont comparé une ethnie d’indiens vivants dans leur milieu d’origine et la même ethnie aux Etats-Unis. Il y a peu d’indiens Pima mexicains atteints d’obésité et de diabète au Mexique. Ils présentent les mêmes taux de personnes diabétiques ou obèses que les mexicains. Cependant, quand les indiens Pima vivent aux Etats-Unis, c’est la catastrophe. L’obésité chez les hommes est multipliée par 7, et par 3 chez les femmes. Le taux de diabétiques chez les Pimas est près de 6 fois supérieur aux États-Unis qu’au Mexique (environ 7% au Mexique contre 40% aux Etats-Unis)30. Le nouvel environnement des Pima est modifié aussi bien au niveau de l’alimentation que de l’activité physique, ce changement d’environnement peut être prépondérant.
Pourquoi le sucre est-il un facteur majeur de l’obésité ?
Parce qu’on l’aime et qu’il n’est pas cher ! Ironie de l’histoire, l’obésité est corrélée avec la pauvreté. Ceci est principalement dû à la corrélation inverse qu’il y a entre la densité énergétique des produits (énergie calorique par masse de produit) et le coût énergétique de ces produits (prix par unité d’énergie). Autrement dit, plus un produit est concentré en énergie, moins il coûte cher31.
Ensuite, le sucre serait un puissant addictif, en tout cas les rats le préfèrent à la cocaïne32. Alors de là à comparer les deux substances il ne faut peut-être pas exagérer, mais il est connu que la consommation de sucre active le circuit de la récompense chez l’Homme33,34.
De son côté, le sirop de glucose-fructose, issu du blé et du maïs, a aussi été mis à l’index comme une cause possible de cancer26. L’industrie tente là aussi de contredire fortement ces affirmations, mais force est de constater que sa méthodologie manque très souvent de rigueur scientifique35,36. Par exemple, pour étayer leurs arguments, les industriels comparent les populations de pays différents, sans ajuster les mesures (âges, consommation d’alcool ou de cigarettes)20.
Les mécanismes menant à l’obésité
Edulcorants et jus de fruits?
Les édulcorants sont des composés qui ont un fort pouvoir sucrant en apportant très peu de calories. Les édulcorants les plus courants sont l’acésulfame-potassium et l’aspartame. Cependant, ils ne présentent aucun intérêt pour la santé car leur usage na fait pas baisser l’obésité ou le diabète, mais pourrait même les aggraver!27,37 Cela parait très contre-intuitif, et pourtant ! Comment ? Il est possible que l’utilisation de ces édulcorants modifie la flore microbienne des intestins38 ou que les produits contenant des édulcorants soient plus riches en graisses39, ou encore que les personnes utilisant des édulcorants « compensent » en mangeant des aliments plus caloriques (sorte d’effet rebond)27.
Les jus de fruits sont aussi riches en sucre que certains sodas. Les jus de fruits seraient-il des facteurs de risque d’obésité ? Pour l’instant rien n’est moins sûr, les études paraissent contradictoires19,40. En tout cas les relations entre obésité et consommation de jus de fruit, si elles existent, sont très faibles. Les jus de fruits sont aussi des sources de nutriments et sont peut-être consommés au sein d’une alimentation plus variée.
Phosphoré par : Gontier Adrien, Dujardin Jean-Rémi, Jaeger Catherine
Mots clefs : sucre, santé, obésité