Faire de la science en avion (2/2)
C’est quoi ce petit trou sur mon hublot ? L’augmentation du poids des passagers a-t-elle un impact ? Tout le monde le dit, manger en avion c’est pas bon. Est-ce vrai, et si oui comment cela peut-il être possible ?
Date de publication : 29/06/16
Le Manu Samoa lenei ua ou sau*
*« Guerrier des Samoa, Je suis fin prêt » (paroles du chant de guerre, haka, samoan)
En 20131, la modeste compagnie aérienne des îles du pacifique des Samoa s’est fait connaître pour avoir mis en place une nouvelle tarification. La Samoa Air tarifie ses vols en fonction de votre poids, environ 1 dollar pour chaque kilo. Il faut dire que comme dans d’autres îles du pacifique, les Samoa présentent un nombre important de personnes en surpoids et obèses2,3. En 2002, on comptait 30% de personnes en surpoids auxquelles s’ajoutent plus de 55% d’obèses, soit en tout 85% de la population avec un problème de poids4 ! Les adultes samoans ont vu leur indice de masse corporelle augmenter de 20% en 30 ans5.
l’IMC est la masse d’une personne divisée par le carré de sa taille
Cette épidémie touche toutes les îles du pacifique et les Samoa ne sont pas les plus mal loties6, on pourrait citer les 95% de personnes en surpoids et obèses de l’île Nauru7… Ce problème s’ajoute à leur isolement et aux risques de catastrophes naturelles. Les îles du Pacifiques constituent ainsi une avant-garde des problèmes mondiaux en matière d’obésité. En effet, le taux d’obésité et de surpoids est en hausse dans le monde entier, notamment chez les enfants8.
Des mesures ont donc été prises pour taxer et limiter, voire interdire certains aliments et leurs importations2,3,9. Les Fidji ont ainsi imposé une taxe de 30% sur l’huile de palme et le glutamate de sodium (un exhausteur de goût qui augmente l’appétence). Les Fidji ont interdit les importations de poitrine de mouton tandis que les Samoa ont interdit celles de queues de dinde. De quoi faire grincer quelques dents à l’organisation mondiale du commerce3.
En 40 ans, le pourcentage de la population américaine obèse et extrêmement obèse a explosée pour passer de 11 à 42 % de la population totale. En incluant les personnes en surpoids, 70 % des américains ont des kilos en trop10. Ce poids supplémentaire est un paramètre important pour les compagnies aériennes et plus largement dans les transports. Entre 1970 et 2010, ce surpoids a engendré une surconsommation de 1,1% de carburant pour l’ensemble des transports américains11. Un surcoût de 103 milliards de dollars en 40 ans.
La question du surcoût dû à l’obésité pour le transport aérien, en particulier, est discutée11,12. Ce surpoids pourrait être responsable d’une augmentation de 2,4% de la consommation de carburant dans les années 1990 dans les transports aériens13. D’après des estimations pour l’union européenne, 5 kg de plus par passager représenteraient 100 millions de litres de kérosène supplémentaires et un surcoût de l’ordre de 44 millions d’euros12. Dans les pays de l’OCDE (pays les plus développés de la planète), ce surpoids entrainerait une augmentation de la consommation de kérosène de 460 millions de litres et un surcoût de l’ordre de 200 millions d’euros12.
Conséquences du poids dans les consommations de carburant
Quel est donc ce petit trou ?
Les molécules d’air (azote, oxygène etc.) sont plus nombreuses près du sol qu’en altitude. Ceci est dû à la gravité terrestre qui attire plus fortement les objets et les molécules d’air près du sol qu’en altitude. Si on est au niveau de la mer, nous avons bien plus de molécules d’air en haut de notre tête que si l’on se trouve au sommet de l’Everest. La densité de l’air, et donc la pression, est ainsi plus importante au niveau de la mer qu’en haute altitude.
Plus on monte en altitude, moins il y a d’air, et donc moins il y a de pression. Ceci s’observe facilement si vous emportez avec vous des yaourts en montagne. Arrivé en haut, l’opercule du pot de yaourt est gonflé. Plus précisément, il n’est pas gonflé, mais la pression environnante étant moins forte, elle appuie moins fort sur l’opercule, et donc ce dernier ressort du pot.
En altitude il y a donc moins d’air. Pour pouvoir respirer correctement, l’air à l’intérieur de l’avion est compresser pour que sa densité soit environ la même qu’au sol. Plus précisément, la pression à l’intérieur de l’avion est équivalente à celle de l’air entre 2000 et 3000 mètres d’altitude14,15.
Et c’est parce qu’une pression est exercée à l’intérieur de l’avion qu’il y a un petit trou en bas de votre hublot. Quoi un trou ? Rassurez-vous, ce trou est bien prévu et il est appelé « trou de respiration ». Ce trou n’existe pas sur le hublot extérieur. En effet, un hublot est en réalité composé de plusieurs fenêtres. On peut imaginer l’avion comme deux tubes imbriqués l’un dans l’autre avec le tube extérieur dans lequel est intégré une (voire deux) fenêtre(s) et le tube intérieur qui est l’habillage intérieur de l’avion avec une fenêtre.
Un petit trou dans le hublot, mais pas de panique
La fenêtre intérieure (dans l’habillage de l’avion) est appelée par les spécialistes « la fenêtre de grattage ». En effet, les passagers la touchent, la griffent, la tapent, lui font des poutous poutous. Elle permet de ne pas abimer la fenêtre du milieu ou la fenêtre externe. Cependant, comme nous venons de le voir, la pression à l’extérieur à l’avion est très faible alors que la pression en cabine est artificiellement augmentée. L’air intérieur pousse la fenêtre intérieure alors que l’air extérieur aspire la fenêtre extérieure. Le trou de respiration sert à faire passer la pression de l’intérieur de la cabine (« fabriquée dans l’avion ») à la fenêtre externe. Le but de cette opération est de faire en sorte que la fenêtre externe soit soumise à la pression interne et à la dépression externe. C’est ainsi à la fenêtre externe que revient la charge de supporter la différence de pression.
Dans le cas où la fenêtre extérieure céderait, ce serait alors à la fenêtre du milieu (ou à celle de l’intérieur) de prendre le relai pour maintenir la pression intérieure. Comme elle n’a encore jamais été soumise à un stress de pression, que ce soit de l’extérieur ou de l’intérieur, elle est davantage susceptible de résister. Elle peut donc prendre le relais comme si elle était neuve. Oui mais, me direz-vous, elle a un trou, comment peut-elle retenir l’air à l’intérieur de la cabine ? Le trou est suffisamment petit pour que la pression reste maintenue à l’intérieur en augmentant un peu la cadence de l’appareil chargé de maintenir la pression. D’ailleurs, un avion n’est jamais complètement étanche et est naturellement soumis à des fuites, ce qui rend la descente souvent plus pénible pour les oreilles. En effet, la descente s’effectuant plus rapidement que la montée, la pression n’a pas le temps de s’équilibrer en temps réel avec l’extérieur14.
Fonctionnement du double hublot
Autre avantage de ce petit trou, c’est d’assurer une circulation d’air qui évite l’embuage du hublot externe.
Notez que l’airbus A380 ne contient pas de trou sur le hublot interne. En fait l’équilibrage de pression se fait grâce à des trappes au premier étage de l’avion, à la manière d’une chatière14.
Manger en haut, c’est pas bon !
Oui, en avion les aliments nous paraissent moins bons. C’est un fait.
Une équipe a tenté une expérience grandeur nature en reproduisant les conditions de pression et d’humidité de l’avion15. Des nombreux mets ont été goûtés et appréciés. Il en ressort que le goût est effectivement modifié. Les personnes ont préféré les plats salés, les jus de tomate, et ont montré une aversion pour les cafés trop amers.
Et plusieurs explications existent pour comprendre cela. Tout d’abord il y a le bruit. Dans un environnement bruyant, comme dans un avion, la perception du salé et du sucré est bien plus basse16,17. Le problème, c’est qu’une perception modifiée d’un goût peut entrainer une perception modifiée d’un autre goût. Concrètement, le sel supprime l’amertume, atténuez la perception du sel et vous augmentez celle de l’amertume !18-20 La capacité de notre perception à être bernée par son environnement est bien entendu étudiée par les marketeurs. Le nom même du produit, d’après la sonorité qu’il a, peut nous faire suggérer un goût17 !
Il existe plusieurs théories sur la cause de l’altération du goût par le bruit. Elles sont chacune certainement une part de l’explication18 :
- le bruit masque certains sons quand on mange (croquant), ce qui peut altérer les perceptions gustatives
- le système nerveux subit un « embouteillage » qui entraine un moins bon traitement des informations gustatives
- le bruit constitue une situation de stress qui altère la perception du goût par le cerveau
- le type de bruit change l’humeur des personnes, ce qui se répercute sur leur perception du goût.
Cependant, le bruit ne cause pas toujours une altération du goût, tout n’est pas encore bien compris16,17. D’autre part, notre capacité à boire rapidement et en quantité augmente avec le bruit18-20.
Le deuxième facteur qui pourrait influencer la perception du goût dans un avion est la pression. En effet, une pression atmosphérique faible altère le goût, notamment à cause du manque d’oxygène15,21. Mais ce paramètre ne semble pas toujours décisif dans le contexte d’un avion22. En effet, à l’inverse du bruit, il semblerait que la perception du sel et du sucre soit exacerbée en altitude, tandis que celle de l’acide et de l’amer serait moins prononcée23.
Enfin la dernière cause de l’altération du goût serait l’humidité. En effet, l’air d’un avion est plus sec que celui du désert du Sahara24. Ceci peut entrainer un changement dans la quantité et la concentration de la salive, ce qui influence la perception du goût.
Conclusion
- L’augmentation du poids des passagers est réelle mais son impact sur la consommation de carburant reste faible.
- La pression de l’air dans l’avion est maintenue artificiellement.
- Le goût est bien modifié en avion, mais la complexité du goût entraîne encore certaines incertitudes et études contradictoires sur ce phénomène.
- Le goût peut être altéré par le bruit, la pression et l’humidité.
Phosphoré par : Gontier Adrien, Jaeger Catherine
Mots clefs : avion, pression, goût, obésité